Bretagne Info Nautisme
© Yannick Le Gal / CRTB

Francis Joyon, une légende de la mer

1 janvier 2017
Marin d’un seul bloc connu pour son calme, sa discrétion et sa volonté inébranlable, Francis Joyon, l’actuel détenteur du record du tour du monde en solitaire en multicoque, rembarque pour une 6e Route du Rhum. A 58 ans, le skippeur le plus expérimenté au large va certainement tenter de prouver qu’il faut encore compter sur lui.

Dire que Francis Joyon n’est pas un homme comme les autres est un euphémisme. Véritable légende de la mer, il est le skippeur aux 20 (ou presque) records en solitaire en maxi multicoque, dont celui autour du monde (57 jours 13h et 34 minutes) ou celui de l’Atlantique Nord (5 jours, 2 heures et 56 minutes), encore inégalés à ce jour. Ces deux chronos, il les a décrochés à bord de son trimaran Idec Sport, avec lequel il a pris le 2 novembre le départ de sa 6e Route du Rhum. Dans la catégorie « Ultime », le marin (58 ans) et le bateau (7 ans) sont les vétérans de l’épreuve.

© Jean-Marie Liot DPPI

D’une discrétion presque extrême, Francis Joyon symbolise à la fois la force, le courage, et l’humilité. « Forcément, pendant la course, il y a des moments où on se pose des questions. Cela m’est arrivé dans la précédente Route du Rhum. Cela m’a permis de rebondir. Il y a des moments qui sont pire qu’à terre et meilleurs aussi. C’est d’ailleurs un peu cela que l’on vient chercher en mer, les extrêmes » explique-t-il. Le navigateur normand qui dit aimer se plonger dans la lecture d’Un vagabond des mers du sud de Bernard Moitessier, est aussi le plus expérimenté au large en solo et en multicoque. De sa jeunesse beauceronne, il garde un amour immodéré pour la liberté et la nature. Au bout du compte, que le jeune homme de la campagne se soit retrouvé, il y a une trentaine d’années, à faire ses gammes sur les bancs de quart des Glénan, puis d'autres écoles de voile n'est pas illogique. « Je n'avais rien programmé, mais le milieu marin était conforme à l'idée que je me faisais de la nature.»

Navigateur atypique

© Jean-Marie Liot DPPI
Dès lors, Francis Joyon, le terrien, ne cessera plus de naviguer. Convoyages en tous genres sur toutes les mers du globe... il engrange les milles avec appétit. Sa rencontre avec Paul Vatine, autre navigateur atypique, enfant des faubourgs du Havre, le confortera dans le fait qu'il existe aussi une voie personnelle à tracer dans le petit monde de la course au large. Il le prouvera en s'imposant en 2000 dans l'Europe 1 Star, la transatlantique en solitaire, au nez et à la barbe de concurrents bien plus huppés et fortunés. Mais le terrain de jeu des courses transocéaniques lui semble de plus en plus étroit. Ce qui le titille, c'est le record absolu, celui d'un tour du monde en solitaire et sans escale. Ce sera à bord de son premier trimaran géant, l'ancien Sport Elec devenu IDEC. Conçu pour un équipage de six à sept personnes, il boucle son premier tour du monde en un peu plus de 72 jours. « Avec Idec, nous déciderons de la construction d’un prochain grand maxi trimaran à l’arrivée de la 10e Route du Rhum. Le bateau de mes rêves serait un catamaran de la Coupe de l’América qui vogue en océanique en solitaire » souligne-t-il avec humour. Aujourd’hui comme hier, Francis Joyon mène ses projets avec des procédés intellectuels et logistiques relativement modestes. « Mon équipe technique : c’est moi » admet-il un brin facétieux. Une économie de moyens qui sied parfaitement à cet esprit libre.

Symbiose avec son bateau

Pour son nouveau multi, Idec Sport, celui qui traverse en ce moment l’Atlantique, Francis Joyon établit un cahier des charges très clair : il souhaite disposer d’un bateau simple, pouvant être manœuvré en sécurité par un homme seul. Le tout sans sacrifier à la performance. Un défi de taille pour le duo d’architectes. Mais Nigel Irens et Benoît Cabaret relèvent le challenge avec brio. Ils optent pour une longueur à la flottaison importante (29,70 mètres pour la coque centrale) tout en restant raisonnables sur la puissance du bateau et en centralisant les manœuvres. L’allure d’Idec sera racée avec une coque centrale environ cinq mètres plus longue que les deux flotteurs. L’idée étant de gagner en vitesse et d’améliorer à la fois les performances aux allures portantes et l’efficacité du passage dans la mer formée. « Ce sont des bateaux qui sont très durs physiquement. Il faut parfois tourner la manivelle pendant des heures pour finir une manœuvre et pouvoir en enchaîner une autre » rappelle-t-il.

© Jean-Marie Liot DPPI
Lancé en juin 2007, Idec Sport s’impose très vite comme le bateau de tous les records, menés avec succès par un seul homme sur tous les océans du monde. De l’avis de son skipper, ce maxi trimaran n’est ni très puissant, ni très léger (11 tonnes) comparé à ses concurrents de la catégorie Ultime, car conçu dans un souci de robustesse, pour faire le tour du monde, dans les solides vents portants du Grand Sud. « En fait, quand le bateau va en harmonie avec les éléments, c’est là où il va le plus vite » explique-t-il simplement. C’est aussi le bateau le plus âgé de la flotte (7 ans) qui a déjà parcouru environ 200 000 milles. Mais Joyon connaît son trimaran par cœur et fait littéralement corps avec lui… une symbiose souvent facteur de performance. « Je sais que j’ai une petite chance de victoire. Même si elle est faible, je tenterai le coup » prévient-il.

Source : journaliste David RAYNAL pour Bretagne Info Nautisme

- Site web du coureur : www.trimaran-idec.com
- Facebook du coureur : FrancisJoyon.IDEC
- Twitter du coureur : @FrancisJoyon
www.routedurhum.com


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