Bretagne Info Nautisme
© Yannick Le Gal / CRTB

Interview : Stève Ravussin, skipper Race For Water en MOD 70

1 janvier 2017
Rencontre avec Stève Ravussin, l’intrépide skipper de Race For Water, un marin engagé, passionné et passionnant…
Interview : Stève Ravussin, skipper Race For Water en MOD 70

Destiné à une formation de mécanicien de précision, Stève Ravussin attrape le goût du large et les belles aventures l’attirent très vite sur les pontons. Le navigateur suisse a fait ses premières classes en Surprise et en Formule 20 sur le Lac Leman. C’est en 1998, en solitaire, qu’il gagne la Route du Rhum, en classe 3 sur Triga, catamaran lémanique de 40 pieds (Formul 40) transformé pour l’occasion. Il remporte également la Transat Jacques Vabre en 2001 en compagnie de Franck Cammas. En 2010, Stève Ravussin pulvérise avec l'équipe du maxi-trimaran Groupama 3 le record du Trophée Jules Verne en faisant le tour du monde en 48 jours.

Stève Ravussin est l’un des pères fondateurs du concept Multi One Design, construction de trimarans océaniques parfaitement identiques. Skipper du 1er bateau de la série MOD 70, mis à l'eau en mars 2011 à Lorient, Stève Ravussin milite pour la préservation des océans et de l'eau douce à bord du Race For Water. Retour sur la KRYS OCEAN RACE de New-York à Brest, première course du circuit qui s'est déroulée en juillet 2012.

Interview Stève Ravussin :

Race For Water, ce n’est pas seulement un bateau qui participe à des courses, c’est aussi et avant tout une cause. Pouvez-vous nous en parler ?
J’étais en fait au début du projet Multi One Championship et Multi One Design. Avec Franck David nous avons créé le championnat ainsi que cette nouvelle classe de trimarans 70 pieds (21m20) aux caractéristiques volontairement identiques. Dans ce programme de course et de nouvelle classe soutenu par Marco Simeoni, il était très important de lancer en parallèle la Multi One Attitude Foundation qui lutte essentiellement contre deux choses : la pollution en mer et le manque d’eau douce sur terre. C’est pour cela que notre bateau s’est appelé Race For Water.

© MOD S.A

Etait-ce un choix de vous impliquer personnellement en faveur de ces deux causes ?
C’était effectivement un choix personnel. Le fait que les trois fondateurs du projet soient Suisses n’est pas non plus anodin, dans la mesure où nous avons toujours été sensibilisés dans notre pays à la préservation de la nature et de l’environnement. En partenariat avec l’Unesco, nous avons par exemple entrepris de jeter à la mer des balises qui fonctionneront pendant cinq ans pour calculer la dérive, les courants, la salinité ou la température de l’eau. L’avenir de la planète passe par la préservation de la qualité de l’eau et des océans et il était important que la voile, qui est un sport assez noble, puisse par notre intermédiaire transmettre ce message.

Comment avez-vous choisi votre équipage, doit-il être, lui aussi, militant ?
Je ne me considère pas comme un extrémiste mais plutôt comme quelqu’un qui essaye de faire de son mieux. A travers Race For Water, mon rôle est d’essayer d’expliquer la réalité écologique. Par contre, il est sûr que mes navigants ne doivent pas être le contraire de ce que nous défendons. Ce ne serait pas non plus logique. Notre équipage est d’ailleurs composé pour moitié de Suisses, dont mon frère Yvan, qui a vécu une grosse expérience sur le dernier tour du monde avec Banque Populaire. J’ai voulu également donner leur chance aux plus jeunes, en embarquant trois marins bretons, François Morvan, Benoît Lequin, Gurvan Bontemps. Pour l’European Tour qui débute le 2 septembre par l’étape Dublin-Kiel, nous serons également rejoints par Franck Cammas et Thomas Coville les vainqueurs de la Volvo Ocean Race.

Vous êtes arrivés à la cinquième et dernière place lors de la Krys Ocean Race mi juillet. Pouvez-vous revenir sur votre participation à la première course du circuit MOD 70 entre New York et Brest ?
Notre bateau s’appelle « La course pour l’eau-Race For Water » et nous avons justement le premier jour heurté un container. A ce moment là, nous étions en tête et la course s’est pour nous très vite arrêtée. On dit toujours qu’il y a la même probabilité de percuter un container que de trouver une aiguille dans une botte de foin. Notre aventure prouve que c’est de moins en moins le cas et qu’il est urgent de faire quelque chose. Il y aurait d’ailleurs environ 3000 containers balancés à la mer chaque année, ce qui commence à être énorme et vous donne une idée de l’ampleur du péril. Nous avons la chance que nos MOD 70 ne coulent pas, mais cela pourrait être le cas sur un monocoque avec une famille à bord. Après le choc, nous avons dû réduire la vitesse puisque nous avions cassé la dérive. En revanche les bonnes conditions de vent nous ont permis d’arriver seulement un jour après les autres, c'est-à-dire en un peu plus de six jours...

Quels enseignements retirez-vous de cette traversée pour préparer l’European Tour ?
Nous sortons d’un mois de réparation, ce qui fait que le bateau a été remis à l’eau assez tard. Nous avons un équipage assez jeune qui a besoin d’expérience mais qui a aussi bien évolué lors de la course précédente. Les cinq étapes de l’European Tour (Kiel en Allemagne, Dublin en Irlande, Cascais au Portugal, Marseille en France et Gênes en Italie) vont être plus courtes et plus intenses, ce qui pourrait nous permettre de bien tirer notre épingle du jeu. Surtout que nous avons aussi prévu, comme je le disais plus haut, de faire quelques changements d’équipage, afin de ménager les organismes et tenir la distance. J’aborde donc cet European Tour avec confiance …

Quels seront ensuite les prochains rendez-vous de la classe MOD 70 ?
L’année prochaine, il y aura à nouveau un tour européen prévu au mois de juin puis un tour du monde dès fin octobre. Avec cette nouvelle classe de bateau de course rigoureusement identique, le public peut aisément comprendre que c’est le meilleur qui gagne. Le fait que ces grands trimarans de 21 mètres soient très fiables et très solides et qu’ils arrivent pratiquement tous dans un mouchoir de poche, contribue également à entretenir jusqu’au bout le suspense et donne un grand intérêt à la compétition.

Interview de Stève Ravussin recueillie par David Raynal à Brest - Juillet 2012

Multi One Attitude Foundation

Basée en Suisse, la Fondation Multi One Attitude Foundation est une organisation caritative pour la préservation des océans et de l'eau douce de Multi One Design SA – l’entreprise qui gère le circuit de course de trimarans MOD70. La Fondation Multi One Attitude a choisi un bateau comme messager : le trimaran de course Race for Water.

Dans chaque port d’attache du circuit de course, la Fondation installera un Pavillon de l’eau qui servira de plateforme de sensibilisation à la conservation de l’eau. Une partie du pavillon est dédiée aux enfants, avec une zone d’apprentissage qui accueillera des ateliers pédagogiques et ludiques. Une autre partie est dédiée aux associations, partenaires et autres entreprises proposant des projets de conservation de l’eau. L’objectif est de présenter une vision globale des défis posés par la pollution de l’océan et la gestion de nos ressources en eau limitées. Pour en savoir plus : www.multioneattitude.com


page précédente